Ben M'Sick ambitionne de devenir une préfecture sans bidonvilles en 2014. C'est ce qu'a annoncé Mustapha Ameur, gouverneur par intérim de cette préfecture d'arrondissements. Selon lui, les opérations de démolition des baraques et de relogement des habitants se déroulent bien comme en attestent les statistiques. En effet, entre les mois de février 2013 et de 2014, 595 baraques ont été démolies soit 69% et 466 lots de terrain équipés ont été distribués à 936 familles. Pourtant, rien ne semble gagné d'avance. Les dossiers des victimes des opérations de recensement constituent encore un boulet et risquent de retarder sérieusement la réalisation de cette ambition. En effet, nombreux sont ceux qui ont qualifié de douteuse l'opération de recensement notamment celle de 2010 du fait qu'elle ne s'est pas basée sur des critères objectifs et que son déroulement a été truffé de manquements. Particulièrement, dans sa phase dite de validation des résultats par les autorités locales. Ainsi, plusieurs personnes se sont-elles trouvées exclues des listes des bénéficiaires alors qu'elles sont nées et ont grandi dans ces bidonvilles. A leur tête, les jeunes, notamment les mariés et ceux qui ont des enfants. Une population qui est non seulement exclue du droit d'accès au logement mais il lui est également interdit de bénéficier de certains documents administratifs. En effet, depuis 2010, ces jeunes n'ont plus droit au certificat de résidence ni aux autres documents d'identité. Ainsi, nombreux sont ceux qui ne disposent ni de carte d'identité nationale ni de passeport. Pire, certains se sont même mariés sans acte et ont eu des enfants sans pouvoir les enregistrer sur les registres d'état civil. Des accusations graves de corruption, de favoritisme et de clientélisme ont été proférées contre les mokaddems et les caïds accusés de manipuler les listes des bénéficiaires.« Les accusations de corruption des autorités locales sont récurrentes. Il ne passe par un jour sans que l'on ne reçoive des plaintes dans ce sens », nous a indiqué le gouverneur par intérim, lors d'une conférence de presse tenue vendredi dernier au siège de la préfecture, avant de poursuivre : « Souvent, ces accusations sont non fondées et proférées par des professionnels de protestation qui cherchent à perturber cette opération. Jusqu'à présent, on a évité de poursuivre juridiquement ces personnes car on n'a pas voulu créer d'autres foyers de tension ». Il est même allé plus loin. Il nie toute responsabilité des autorités locales dans l'opération de recensement. Selon lui, le projet de relogement est initialement destiné aux familles recensées avant 2010 et non aux jeunes célibataires. Quant aux critères de choix, ils ont été fixés par le gouvernement. Pareil pour la décision d'interdire à certains résidents de bénéficier de documents administratifs. Il s'agit, d'après lui, d'une décision prise au niveau central et qui concerne tout le territoire national. « Il y a un programme qui a été mis en place selon des critères et nous ne sommes que des simples exécutants de la politique gouvernementale », nous a-t-il précisé avant d'ajouter : « Cependant, on a entamé un dialogue avec ces présumées victimes et on a mis en place une commission chargée d'examiner leurs plaintes. Sur les 256 dossiers, on en a accepté 51 ». Et pour les 205 familles restantes, il ne leur reste que leurs yeux pour pleurer puisqu'elles n'ont plus de voie de recours et doivent prendre leur mal en patience attendant sans doute que les bulldozers démolissent leurs baraques sur leurs têtes. Une position qui traduit un changement d'optique dans la manière avec laquelle l'Etat traite le dossier des bidonvilles. Les pouvoirs publics se sentent aujourd'hui en position de force et négocient à partir de cette posture. Pour les autorités locales, le programme «Villes sans bidonvilles» doit réussir coûte que coûte et ce n'est pas quelques familles qui veulent avoir plus d'avantages qui vont bloquer cette opération. En effet et à moins d'une année de l'échéance des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), l'Etat veut s'afficher en bon élève, quitte à commettre des irrégularités. Les pouvoirs publics visent ainsi à améliorer les conditions d'existence des pauvres en leur donnant accès à l'eau, à l'assainissement, et à des logements en dur mais tout en créant de nouvelles poches de pauvreté et d'autres bidonvilles. Une situation qui a été reconnue par le ministère de l'Habitat et de la Politique de la ville lui-même qui compte recadrer l'intervention de son département à Casablanca où le nombre de familles recensées dans les bidonvilles a été revu à la hausse.
Source :Hassan Bentaleb, Libération (http://www.libe.ma/Villes-sans-bidonvilles-handicape-par-ses-recensements_a47868.html)