La ville de Casablanca n’a pas les moyens de faire face à cette problématique. Les élus proposent la création d’une société d’économie mixte.
On ne le dira jamais assez, les maisons menaçant ruine représentent une grande contrainte du Grand Casablanca. Les effondrements survenus récemment à l'ancienne médina ont attiré de nouveau l'attention sur ce problème. Suite à ces évènements, certains élus ont appelé le président du conseil de la ville à tenir une session extraordinaire afin de trouver une solution à cette problématique. À l'ordre du jour, les conseillers en question proposent de mettre en place une agence pour sauver l'ancien tissu urbain au sein du Grand Casablanca notamment au niveau de Mers Sultan-El Fida et l'ancienne médina, les deux points noirs de la métropole. «On voudrait exposer ce sujet devant tous les membres du conseil de la ville en présence de l'ensemble des intervenants : le ministère de l'Habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville, l'Agence urbaine, ministère de l'Économie et des finances… parce que la ville de Casablanca n'a pas les moyens de faire face à cette problématique sans le soutien de l'État», explique Saïd Housbane, représentant du Mouvement populaire. Cet élu qui prévoit la session extraordinaire en début du mois de juillet propose de constituer une société d'économie mixte telle Idmaj Sakan afin de traiter le problème des maisons menaçant ruine dans sa globalité. Cette solution permettrait, selon lui, d'avoir un seul interlocuteur et faciliter la procédure de relogement. Les élus insistent également sur l'importance de confier ce dossier à un bureau d'études spécialisé afin d'avoir une expertise en bonne et due forme. En effet, la problématique de l'habitat menaçant ruine est complexe. Les professionnels y sont confrontés à l'absence de préinventaire exact aussi bien quantitatif que qualitatif de la situation. Cette problématique nécessite une approche et une intervention partenariale, impliquant différents acteurs dans le cadre d'études portant sur le renouvellement urbain et la remise à niveau de l'ensemble des composantes de la région. D'après Kamal Dissaoui, président de la commune Sidi Belyout : «Il faut créer une agence de rénovation urbaine du Grand Casablanca pour faire face à cette situation. Actuellement, 1 500 ménages résidant dans des maisons menaçant ruine attendent une solution urgente. Si on utilise les ressources de la taxe sur le ciment en plus de l'argent du Fonds solidarité habitat (FSH), on pourrait les reloger dès demain», a-t-il souligné lors d'une rencontre sur la politique de la ville organisée le jeudi 21 juin. Pour Mustapha Lhaya, élu au conseil de la ville, c'est inadmissible de donner priorité à des personnes venues d'autres villes et zones rurales parce que leurs taudis altèrent l'image de la ville et laisser les Casablancais de souche sous la menace des effondrements : «Il faudrait octroyer
1/5e du budget réservé au programme de résorption des bidonvilles à la rénovation de l'habitat menaçant ruine. Casablanca a dédié 10 millions de dirhams à ce volet, mais ce budget reste insuffisant par rapport à la réalité».
Il faut dire que l'habitat menaçant ruine représente une composante importante du paysage urbain de la région du Grand Casablanca. Cette dernière recense, selon les statistiques de 2004, 50 % des vieilles bâtisses du Maroc. Au niveau de la préfecture d'arrondissements Mers Sultan-El Fida, on recense 65 % de maisons vétustes de la ville. On y trouve toujours des personnes qui louent des logements dégradés à 20 DH par mois. Selon Said Housbane, 1 246 maisons au niveau de cette préfecture risquent de s'effondrer. D'après l'Inspection régionale de l'habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace du Grand Casablanca, 70 000 ménages casablancais habitent dans l'habitat vétuste (HV) et menaçant ruine (HMR) dont 93 % sont localisés dans les préfectures d'arrondissements de Casa-Anfa et Mers Sultan-El Fida. En ignorant les vieilles bâtisses qui risquent de s'effondrer à tout moment, on ne traite qu'un seul côté de l'habitat insalubre. Il faudrait non seulement procéder au recensement de ces constructions, mais aussi de reloger les habitants», affirme Said Housbane. Néanmoins, sans une intervention de l'État et des partenaires privés, cette situation peut encore durer au risque de voir d'autres personnes y laisser leurs vies.
Des élus de Casablanca appellent au recensement des biens de la ville et à la révision des contrats de bail afin d’avoir une idée précise sur ce type de recettes. Une révision des cahiers des charges gérant les dérogations au profit des promoteurs immobiliers s’impose également. Les conseillers de la ville voudraient réorganiser la gestion des propriétés de Casablanca. Pour eux, ces biens peuvent générer d’importantes ressources financières ou du moins servir au relogement des victimes de sinistres.
Cependant, cette mission s’avère assez difficile pour l’instant. D’autant qu’aucune réponse ne leur a été donnée à ce propos.
Nadia Ouiddar, Le Matin (http://www.lematin.ma/journal/Habitat-menacant-ruine_L-intervention-de-l-Etat-s-impose-/168219.html)